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Samedi 2 février, le maire ouvrait l’espace Louise-Voëlckel aux citoyens bonneuillois dans le cadre du mouvement des gilets jaunes ainsi que celui des salariés et organisations syndicales. En présence de 80 participants, le contenu des cahiers de doléances, mis en place dans la ville du 11 décembre 2018 au 20 janvier 2019, a été présenté. Les Bonneuillois ont débattu de la situation dans le pays et demandé au député LREM, présent dans la salle, de remonter leurs revendications au gouvernement. Le maire a annoncé la tenue prochaine d’ateliers pour poursuivre les discussions citoyennes sur les thématiques chères aux Bonneuillois, à savoir : l’emploi, les salaires, la fiscalité, le rôle des institutions… Compte rendu.

Fiscalité et taxes

 

Premier thème abordé, la fiscalité et la justice sociale ont concentré un grand nombre de revendications et propositions. Dans les cahiers de doléances, le retour de l’impôt sur la fortune notamment figurait parmi les principales exigences.

En ouverture du débat, une retraitée s’est indignée : « les dirigeants du pays demandent au peuple de faire des efforts alors qu’ils nous taxent avec la CSG et baissent les retraites des classes moyennes. Les hauts fonctionnaires doivent donner l’exemple. Il faut supprimer les avantages des anciens élus. Le peuple veut travailler pour vivre, pas pour enrichir les élus ».

Un élu local ajoute : « En France, 80 milliards d’euros par an s’évaporent dans les paradis fiscaux. Pire encore, l’État ne donne pas les moyens aux services publics de contrôler cette fraude fiscale. 0,004%, c’est le montant de l’impôt payé en France par Google alors qu’une PME peut payer jusqu’à 46% de ses revenus en impôt ».

Une autre retraitée annonce : « J’ai cotisé à la retraite durant 43 ans. Je perçois 1 118 euros de retraite et 363 euros de pension de réversion de mon mari sur laquelle je paie des impôts. Je paye 400 euros de CSG par an, 520 euros de loyer, 120 euros de mutuelle… Mon reste à vivre est très faible. Nous aidons nos petits-enfants. Nous sommes obligés. Qu’allons-nous leur laisser après tout cela ? J’aimerais avoir des réponses du gouvernement ? »

Un homme s'exprime : « le gouvernement nous propose de nous prononcer sur la question des impôts. Il suggère de supprimer des services publics. Les citoyens ont une demande de justice sociale et fiscale. C’est cynique et intolérable, la façon dont le Président rejette l’idée d’un rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, d’un revers de manche. Il y a des tas d’impôts non efficaces comme le CICE qui sont maintenus, sans preuve de leur efficacité. 4 milliards, c’est ce que rapporterait l’ISF. Ce n’est pas rien. L’aggravation des inégalités en France concoure au mal-être et au mal-vivre pour des millions de gens. »

Le député Descrozaille de concéder : « L’efficacité du CICE en termes d’emplois n’est pas bonne, en effet ».

Un nouvel intervenant commente : « Je ne suis pas parmi les plus défavorisés. Je vois quand même que notre pouvoir d’achat baisse de façon constante. On fait payer les classes moyennes pour aider les moins favorisés. Il faut taxer les grandes entreprises, et mettre en place des impôts plus progressifs avec de nouvelles tranches. Je trouve normal et logique de payer des impôts mais ils doivent être plus justes. Les députés déduisent des charges de leurs impôts. C’est scandaleux. Ils devraient montrer l’exemple. La protection des services publics et du système de santé est fondamentale, surtout dans les campagnes. »

Un délégué syndical CGT : « M. Descrozaille, ne trouvez-vous pas que votre politique est un échec ? Des riches se gavent avec l’argent du peuple. Les retraites des pauvres gens sont taxées. Où va cet argent ? Pourquoi ne pas taxer Google et Cie ? Vous poussez à la régression sociale ! »

 

Salaires, retraites, prestations sociales

 

La question des salaires et du pouvoir d’achat était également au cœur des préoccupations exprimées. Dans les cahiers de doléances, la première revendication partagée par les citoyens : hausse du smic et hausse générale des salaires et des pensions.

Une femme, 56 ans, aide-soignante en hôpital public en invalidité : « Je me retrouve comme quelqu’un de pauvre. Depuis 8 mois, je gagne 898 euros/mois. Aujourd’hui, je lutte contre la maladie et mes découverts. J’aimerais qu’on m’explique que les fonctionnaires sont des privilégiés. Mon hôpital a besoin de 4 milliards. N’y-a-t-il pas un problème sur la répartition des richesses ? Je suis la majorité. Pas la minorité. Ma mère m’aide. J’aide mon fils. C’est ça votre société ? »

Un homme, ancien agent du CHI de Créteil : « Jeudi (31/01/19), j’ai manifesté avec les retraités pour l’abrogation de la CSG et de l’indexation des retraites sur l’inflation. Il y a un appel intersyndical pour manifester le 5/02 (Il lit l’appel). Nous ne sommes pas preneurs de l’esbroufe organisée par le gouvernement. »

Une citoyenne affirme : « Nous réclamons la dignité. Nous ne voulons pas vivre normalement mais dignement tel que le stipule l’article 1 de la déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen. »

Une femme : « Je trouve scandaleux que l’on autorise les policiers à utiliser les LBD 40 (Lanceurs de balles de défense). Ce sont des armes de guerre. Dans une société avec des avancées technologiques extraordinaires, le président détricote tout ce qui fait notre solidarité. Même à l’hôpital, nous sommes en insécurité. On pourrait augmenter les moyens de l’hôpital. C’est une décision politique. Les fortunes existent en France. Notre société est basée sur la finance, le profit. Tout est basé sur le profit des actionnaires. C’est inadmissible alors que des milliards vont dans les paradis fiscaux. Ce détricotage c’est l’explosion et la mort de la Fonction publique. On se fait étrangler. Il faut une loi Travail qui protège les salariés et les chômeurs. »

Le maire ajoute : « À Bonneuil, nous avons des enseignes comme Leroy-Merlin et Flunch qui appartiennent à des familles françaises qui résident en Belgique. Elles ont généré 1 milliard de revenu l’année dernière. »

Une conseillère municipale : « Les femmes sont largement moins payées que les hommes. Elles occupent des postes à responsabilités. Il y a là un vrai combat à mener ».

Un retraité : « Le problème des salaires est essentiel. J’ai connu le progrès social à partir de 1968. Les salaires ont augmenté de 30% jusqu’en 1975. Aujourd’hui, on essaye de nous tromper. On ne nous parle de pouvoir d’achat, pas de salaires. Les cotisations sociales nous appartiennent. Le salaire est la base de tout. 200 familles se répartissent 90% des richesses de la France. »

Une femme : « À Monsieur Descrozaille, je veux lui faire entendre que quand on évoque des mots, il faut les assumer. Vous reconnaissez que l’efficacité du CICE est nulle par rapport à l’emploi et favorise la compétitivité des entreprises. Qu’est-ce que cela veut dire ? L’accès à l’emploi des jeunes, à un pouvoir d’achat, à la formation, aux études, c’est un réel problème. L’avenir des jeunes ? Qu’est-ce qu’on leur propose ? Quels moyens leur donnons-nous pour être émancipés et en pleine possession de leurs moyens ? »

 

Citoyenneté et institutions

 

Un retraité : « Actuellement en discussion : la loi anti-casseurs. J’estime que la majorité actuelle fait la chasse aux résistants, comme sous le régime de Vichy. »

Un homme : « Depuis la Ve République, les députés ont été dévoyés. Ils sont toujours au garde-à-vous pour l’exécutif. J’appelle les gens à voter aux élections européennes. Il y a un grave danger avec le populisme. »

Un homme, s’adressant au député : « À l’Assemblée nationale, actuellement, combien avez-vous de députés dans votre groupe ? Plus de 300 ? Je pense qu’il est important d’avoir des votes à la proportionnelle. J’ai voté blanc à la présidentielle. Mon vote n’est pas pris en compte, ce n’est pas normal. Les deux chambres (Assemblée nationale et Sénat) sont importantes. »

Un élu au conseil municipal : « Monsieur le député, j’ai un peu mal pour vous. Vous êtes obligés de voter pour le Président. Ceux qui s’opposent sont virés. Aujourd’hui, au sein de l’Assemblée nationale, la démocratie est inexistante. Macron lance son grand débat national à trois mois des élections européennes. On nous a éloignés des questions européennes qui ont pourtant des incidences fortes sur notre pays. Nous devons aller chercher des voix. »

Une femme : « Le droit de vote des étrangers aux élections municipales est une revendication oubliée. C’est bien qu’elle apparaisse dans les cahiers de doléances. Il y a un lien avec les effroyables conséquences des inégalités dans notre pays. Je regrette que l’on ne trouve pas d’éléments dans les doléances. »

Un homme : « Celui qui n’est pas connecté est hors-circuit. On fait le boulot des services publics. C’est un budget supplémentaire pour nous. Pour favoriser le vote aux élections, pourquoi ne pas l’organiser sur le temps de travail ? »

Une femme : « En 2005, une loi a été votée pour l’accueil des enfants handicapés à l’école. Dans mon collectif, nous sommes régulièrement interpellés par des parents dont les enfants ne sont pas accueillis correctement (absences d’AVS, notamment). Ok pour la loi. Mais où sont les moyens ? »

Une retraitée : « Tous les problèmes environnementaux sont liés à tout ce qui vient d’être dit. Nous sommes dans une société libérale qui déforeste pour produire de l’huile de palme, par exemple. Ou encore où l’on fait travailler des enfants dans le monde… »

Un homme : « Toutes ces doléances, nous devons les défendre sur le terrain. Nous avons un système qui n’est pas représentatif de ce qu’exprime le peuple. La démocratie, c’est tant de voix, tant d’élus à la proportionnelle. Le projet de loi anti-casseurs est régressif. Nous sommes dans une situation extrêmement dangereuse. Pour débattre de manière constructive, il faut être honnête. L’évasion fiscale, ce n’est pas honnête. L’ISF ? Cet impôt faisait rentrer de l’argent dans les caisses de l’État. Pourquoi le CICE est-il encore là s’il n’est pas efficace ? »

 

Services publics

 

Autre priorité pour les citoyens présents dans la salle : la question des services publics, de leur maintien et de leur développement.

Un homme : « Nous insistons sur le maintien des communes et des départements. Nous devons être fermes contre la baisse des DGF. »

Un retraité de l’AP-HP : « Les hôpitaux sont en train d’être vendus au privé. Comment allons-nous nous soigner avec la casse de la sécurité sociale ? »

Une femme : « Quand on parle service public, on nous dit qu’il n’y a pas d’argent. Nous devons proposer autre chose. Un député communiste a proposé à l’Assemblée nationale un projet de loi sur le prélèvement à la source. Ça apparaît chez les gilets jaunes et dans un rapport d’ATTAC. Nous devons essayer de faire quelque chose avec cette proposition de loi. La jeunesse ? Nous devons nous en préoccuper. Comment l’impliquer dans les débats ? »

Une femme : « Monsieur le Député, je vous demande de revoir la loi ELAN néfaste pour les locataires de logements sociaux. Mettez en place l’encadrement des loyers. Les retraités, notamment, ont de plus en plus de mal à payer les loyers qui augmentent. Votre loi va mettre des millions de gens à la porte au bénéfice de marchands de sommeil. Concernant la rénovation des logements, il n’y a plus d’aide de la Région. »

 

Après près de 2 heures d’échanges, le maire de Bonneuil s’est porté garant du débat et a déclaré que toutes les revendications seront envoyées au Gouvernement. « Les questions posées aujourd’hui sont importantes. S’il n’y a pas de réponses, nous risquons des dérives populistes. » Et d’annoncer : « Des ateliers vont être mis en place sur la base des cahiers de doléances où chacun pourra s’exprimer librement. » Le comité local du Secours populaire va également être mis en place au sein de l’association et à l’attention de ses bénéficiaires.

Le député de la circonscription a souhaité dire un mot en conclusion : « J’entends ce que vous dites. Je porterai et je posterai sur mon site la synthèse du débat de ce jour. Ce sera public. Je propose d’organiser un grand débat pour préciser un certain nombre de choses. En ateliers, sur la fiscalité, par exemple. »

Accès

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Espace intergénérationel Louise-Voëlckel

Rue du 8 mai 1945
94380 Bonneuil-sur-Marne