Lecture audio de l'article

Le gouvernement entend engager un système de retraite universel par points, avec un âge pivot de départ en retraite fixé à 64 ans, à partir de 2027. L’économiste bonneuillois Fabien Maury nous apporte son éclairage…

B/M : Que pensez-vous de cette réforme des retraites ?

Fabien Maury :Elle individualise tous les parcours et fait sauter toutes les solidarités, entre générations, entre professions. On ne percevra plus de pensions en fonction de ses besoins, mais de ce que l’on aura capitalisé, les points. Les pensions ne seront plus calculées sur les 25 dernières années mais sur l’ensemble du parcours professionnel, incluant les premiers salaires, souvent proches du SMIC, les périodes de chômage et de temps partiel. Nul besoin d’être un grand stratège pour comprendre que cela va réduire le niveau des pensions, contraindre les salariés à partir en retraite plus tard voire à cumuler d’autres revenus d’activités pour compenser. D’ailleurs le gouvernement « oublie » de parler du niveau des pensions.

B/M : Ce nouveau système serait pourtant plus juste selon le Gouvernement.

F.M :C’est faux. Le gouvernement parle d’une pension mensuelle a minima de 1 000 €, proche de ce qui existe actuellement, à savoir 970 €. De plus, il « oublie » de dire que ce sera pour une carrière pleine, à taux plein. Rien n’est réglé pour les carrières « hachées » : les chômeurs non indemnisés, les CDD, les intérimaires… génèreront moins de points, donc des pensions moindres. Les plus privilégiés (1 à 2% des salariés) pourront, eux, s’offrir des retraites complémentaires auprès des assurances privées, qui s’en réjouissent.

B/M : Selon le gouvernement, il y a urgence à réformer un système « à bout de souffle ».

F.M :La France créé quatre fois plus de richesses qu’en 1950 où l’âge de départ en retraite était de 65 ans, et l’on ne pourrait plus financer ce système de retraite ? Tout est question de distribution des richesses. Il faudrait commencer par combattre le chômage et la précarité, via des politiques publiques qui génèreront plus de recettes. 100 000 chômeurs en moins, ce sont 2 milliards d’euros de cotisations supplémentaires, dont un milliard pour les retraites. Une hausse de 1% de tous les salaires génèrerait 2,5 milliards de cotisations sociales et plus d’un milliard pour les retraites. Il faudrait aussi moduler les cotisations patronales - dont les exonérations ont coûté un « pognon de dingue », 290 milliards d’euros en vingt ans sans aucun résultat pour l’emploi - en fonction de la politique salariale, d’emploi, de formation et d’égalité salariale hommesfemmes que mène les entreprises, mettant fin aux exonérations sans condition (CICE).
 

À la loupe :

• En 2018, l’espérance de vie en bonne santé est de 64,5 ans pour les femmes et 63,4 ans pour les hommes.

• D’après le Conseil d’orientation des retraites, le système des retraites accusera un déficit de 7,9 à 17,2 milliards d’ici 2025, soit 0,7% du Produit intérieur brut (PIB). Et, ce système sera déficitaire jusqu’en 2035, mais excédentaire de 2035 à 2070.

• La réforme garantit un seuil minimum de pension à 1 000 euros. Un progrès social ? Le seuil de pauvreté est de 1 026 euros par mois.

• 32,2%, c’est aujourd’hui le taux d’emploi des 60-64 ans.

• En 2019, 90 milliards de profits ont été réalisés par les entreprises du Cac 40. 57 milliards ont été distribués sous forme de dividendes aux actionnaires.

• 314 milliards d’euros : c’est le montant total des pensions de retraite, qui constituent donc le premier poste de protection sociale, à hauteur de 13,7% du PIB.

Accès

48.774622,2.486659

Salle Gérard-Philipe

2 rue Pablo Neruda
94380 Bonneuil-sur-Marne

Tel : 01 45 13 88 24