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Après des mois de lutte avec les agents communaux, le maire Denis Öztorun et d’autres maires de France, étaient présents ce mardi 19 juillet au Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de Constutionnalité (QPC) de la libre administration des communes et le temps de travail des agents.

 

  • Retrouver les déclarations du maire de Bonneuil-sur-Marne :

« Ce matin, j’étais présent aux côtés des maires, ou de leurs représentants, de Bobigny, Fontenay-sous-Bois, Ivry-sur-Seine, Montreuil, Paris, Stains et Vitry-sur-Seine, dans la salle d’audience du Conseil constitutionnel, pour motiver notre requête, unique dans l’histoire juridique française. 

En effet, depuis le 1er janvier 2022, je refuse d’appliquer la loi de transformation de la fonction publique de 2019, sur la base qu’elle porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, qui est un principe fondamental de la Constitution française.

Au-delà de la question du temps de travail des fonctionnaires, c’est la liberté des communes qui est mise à mal. C’est la suppression de la compétence générale qui permet à une commune de mener une politique adaptée en fonction des caractéristiques de sa population et de sa géographie, de décider des mesures utiles pour l’attractivité des emplois de fonctionnaires communaux, les plus mal payés de la fonction publique.

Quelle liberté reste-t-il aux communes qui subissent depuis des décennies des attaques sans précédent : l’étouffement financier avec la baisse des dotations (dont la dotation globale de fonctionnement due par l’Etat, de 0 euro en 2022 pour notre ville), des choix budgétaires contraints à des contractualisations avec l’Etat, des marges de manœuvre inexistantes sur les ressources humaines...

L’atteinte à la libre administration des communes, inhérente à la loi de transformation de la fonction publique, est injuste et injustifiée à plus d’un titre : elle ne permet pas de garantir les missions de services d’intérêt général, elle n’a pas de conséquences en
terme d’économies budgétaires, et elle a pour objectif final de reléguer les collectivités au rang de «guichets », sans pouvoirs ni moyens pour répondre aux besoins des habitants.

Enfin, sous couvert d’harmonisation du temps de travail, l’uniformisation sur 1607 heures imposée par le président Macron va se faire au détriment de l’efficacité et des conditions de travail des agents.

Et alors que la fonction publique d’Etat conserve des dérogations, les collectivités sont poussées à l’externalisation des services, marque du désengagement pour l’intérêt public. Ce sont ces arguments que nous avons ont portés à la plus haute instance nationale chargée de contrôler le bien-fondé constitutionnel des textes de loi. Nous vivons un moment historique pour les 35 000 communes de France : l’Etat est décidé à entrer « au cœur du réacteur » et à contrôler la gestion même de leurs administrations.

Le Conseil constitutionnel tranchera au regard du texte fondamental qu’est la Constitution, et les implications seront grandes.

Soit il signera la mise à mort progressive de l’autonomie communale et de la compétence générale, soit il va stopper le gouvernement dans son dessein de mise sous tutelle des communes et réaffirmer la libre administration.

La décision sera rendue le 29 juillet prochain. Les élus et les agents serons présents pour entendre, avec fierté et dignité, la réponse de la République à ses principaux représentants locaux.

Quoi qu’il arrive, je serai sur le terrain pour continuer à défendre les communes et les fonctionnaires qui ont prouvé à nouveau leur efficacité et leur utilité lors de la crise sanitaire, alors que l’Etat avait démissionné de ses devoirs.

Quelle que soit la décision, la saisine du Conseil constitutionnel dans ce type d’affaires est déjà exceptionnelle. Le fait d’avoir contraint les institutions (Tribunal administratif, Conseil d’État et Conseil constitutionnel) à écouter les maires est une « première » qui comptera dans les batailles à venir, et qui est en soi une victoire... qui en appelle d’autres. »