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Assigné au tribunal administratif, jeudi 24 février, le maire Denis Öztorun a dénoncé une réforme qui vise à réduire les services publics et la démocratie locale. Soutenu par un millier de personnes, il a fait appel à la Constitution et entend résister jusqu’au bout.

La mobilisation prend de l’ampleur

Du jamais vu depuis de nombreuses années, près d’un millier de personnes, citoyens et surtout agents territoriaux, manifestaient devant le tribunal administratif de Melun. Ils étaient venus soutenir les dix maires du Val-de-Marne déférés par la préfète, pour leur refus d’appliquer la réforme dite des 1 607 heures. Parmi eux, le maire de Bonneuil, Denis Öztorun. « C’est le premier en France à s’être catégoriquement opposé aux 1 607 heures », a félicité au micro un délégué de l’union syndicale de Seine-Saint-Denis, où cinq villes ont été elles aussi assignées, venu apporter son soutien. Aujourd’hui, de nombreux maires dans toute la France font bloc contre cette mesure considérée comme une attaque contre la Fonction publique, les droits des salariés et le principe constitutionnel de libre administration des communes. « L’État essaie de nous faire passer pour des criminels, a déclaré le maire de Bonneuil aux manifestants. Mais quand nous vous regardons, des centaines de fonctionnaires, nous savons que nous avons raison de défendre nos droits. » Pour lui, les agents territoriaux sont pourtant les héros de la crise sanitaire. « Depuis le début de la pandémie, ce sont eux qui gardent nos enfants, qui maintiennent nos villes propres, qui ont distribué des masques à la population quand l’État était absent, qui ont tenu les centres de vaccination, qui portent chaque jour attention aux personnes les plus en difficultés, isolées... »

Défense des services publics

L’État, considérant que les fonctionnaires territoriaux travaillent moins de 35 heures par semaine, impose aux - seules ! - collectivités d’harmoniser la durée de travail de leurs agents à 1 607 heures annuelles minimum. « Nos agents travaillent au moins 35 heures par semaine, insiste le maire. Dire le contraire est un mensonge, une propagande du gouvernement pour fausser le débat en faisant du fonctionnaire bashing. » Ce qui est visé, ce sont les congés supplémentaires accordés par les maires. Tels que les jours donnés lors de départs en retraite, des remises de médailles du travail, lors des préparations d’examens professionnels ou encore les jours supplémentaires accordés lors d’une naissance, d’un mariage ou d’un décès. À Bonneuil, le maire octroie notamment une journée de congé à toutes les agentes communales, chaque 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Avec la réforme, elle devra être supprimée.

Pour le maire, ce sont des droits conquis par les salariés et les élus des collectivités. Et à l’heure où les communes sont asphyxiées financièrement et où les territoriaux sont les plus mal payés des fonctionnaires, ces congés supplémentaires sont aussi un atout pour l’attractivité de la collectivité. « L’objectif du gouvernement, dénonce le maire, c’est de casser le statut des fonctionnaires afin de pouvoir libéraliser tout un pan des services publics, et de mettre à mal la démocratie locale en réduisant les libertés des maires. »

Le maire fait appel à la Constitution

C’est pourquoi, au nom de la libre administration des communes, inscrite dans l’article 72 de la Constitution, le maire de Bonneuil a posé devant le juge une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), afin de faire reconnaître la remise en cause profonde de ce principe fondamental. Et le maire ne perd pas espoir que cette QPC soit transmise au Conseil d'État puis au Conseil constitutionnel. Cependant, au cas où la justice donnerait raison au gouvernement, le maire entend résister jusqu’au bout et il compensera par de nouveaux droits aux agents. Il envisage de mettre en place notamment des ateliers sportifs, culturels, ergonomiques et des temps de formation sur le temps de travail, favorisant le bien-être au travail, l’épanouissement personnel et la cohésion de l'équipe professionnelle.

Une première avancée le 3 mars

Suite à l'assignation au Tribunal administratif le 24 février dernier, le maire a appris que sa demande d’invalidation de la loi va bien être transmise et étudiée par le Conseil d’État. Il détaille cette première avancée dans un communiqué adressé aux agents ainsi qu'à la population bonneuilloise.