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Hier, le Premier ministre a indiqué sa volonté de prendre en compte le logement intermédiaire dans les quotas de logements sociaux imposés par la loi SRU.

Cette annonce s’inscrit dans un contexte où le nombre de demandeurs de logements explose, passant de 400000 en 2010 à près de 800000 l’an dernier, rien qu’en Île-de-France. Un contexte où, paradoxalement, le nombre de logements bâtis, moins de 80000 l’an passé à l’échelle du pays, n’a jamais été aussi faible.

Cette crise du logement ne sort pas de nulle part, elle est la conséquence directe du désengagement de l’État dans ce secteur. En supprimant les aides à la pierre et en imposant le RLS, les gouvernements successifs ont coupé la capacité des bailleurs à construire un nombre de logements répondant à la demande. Pourtant, la loi SRU, dite « loi Gayssot », du nom du ministre communiste du logement qui l’a portée, porte la nécessité de construire 250 000 logements par an pour permettre de répondre aux nombre de demandeurs.

La loi SRU exigeait en 2000 la construction d’un minimum de 20% de logements sociaux par commune, taux rehaussé depuis à 25% aux vues de l’ampleur de la crise. Des organismes indépendants, comme la fondation Abbé-Pierre, prônent même l’augmentation de ce taux à 30%.

Thierry Repentin, ancien président de la Commission Nationale SRU et maire de Chambéry, a qualifié cette annonce de « triple camouflet ». Il considère cela comme un manque de considération à l’égard des services de l’État qui se battent depuis 20 ans pour l’application de cette loi sur tout le territoire. Un mépris aussi à l’égard des maires qui, comme à Bonneuil, ont respecté la loi et construit un nombre de logements suffisants pour répondre aux besoins de leur population, et ce malgré les attaques des droites à l’égard des cités. Une absence de respect, enfin, à l’égard de tous les Français éligibles au logement social, près de 75% des habitants de notre région qui ne parviennent plus à se loger dignement, faute de construction en nombre suffisant.

À l’échelle de notre ville, ces mots résonnent particulièrement : faute de sanctions suffisantes à l’égard des villes voisines qui refusent de bâtir des logements sociaux, le parc social bonneuillois, qui comprend pourtant 70% de nos logements, se retrouve aujourd’hui submergé de demandes. Cela a pour conséquence l’impossibilité pour 1 600 Bonneuillois de voir aboutir leurs demandes dans des délais raisonnables. Et quand bien même nous souhaiterions construire davantage de logements, la suppression des aides à la construction par les droites départementales et régionales rend cela impossible.

Le Premier ministre aurait pu annoncer des mesures à la hauteur de la situation, en débloquant les moyens suffisants pour la construction de logements dans tout le pays. Ses annonces passent
pourtant complétement à côté des besoins des Français, puisque le logement intermédiaire, qu’il compte intégrer dans le calcul, ne concerne que 5% des demandeurs.

En dénaturant la loi SRU, le gouvernement aggrave le processus de décentralisation de la politique du logement, en laissant les maires libres de construire ou non des logements «vraiment sociaux».
Après avoir réduit la part de son budget consacré au logement social de 2% à 0,6% en 30 ans, l’État achève sa capitulation dans la politique du logement, qui n’a de sens que nationalement.

Denis Öztorun
Maire de Bonneuil-sur-Marne
Vice-président de Grand Paris Sud Est Avenir
Vice-président de l’Association des Maires de France